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Extraits du texte d'Isabelle Lartault pour le catalogue Felice Varini, éditions Jannink, Paris, juin 2011
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Il y a peu, quand on t’a proposé de publier des photos, tu as dit oui sans vouloir te conformer. En réfléchissant, tu t’es souvenu des photos « NON FACTURÉ », et en les étalant sur le plan de travail, tu te félicites : tu savais bien qu’un jour tu en ferais quelque chose.
Des photos « NON FACTURÉ » tu en as beaucoup et il faut choisir. D’emblée, tu retiens celles qui te semblent les moins susceptibles d’interprétations, même si la question de savoir ce qu’on est en train de regarder ne cesse jamais vraiment de se poser. Quel que soit ton choix, tu te figures bien que c’est toi qu’il exprimera.
Après sélection, après réflexion, il n’en reste au final qu’une poignée, dont une série de ces photos dites « À main armée ». Tu places les images d’une même promenade en colonne sur plusieurs rangées. Prises à l’aveugle, tu les observes maintenant avec attention, les places et les déplaces avec la plus grande précision. À présent, le hasard n’est plus de la partie. Cette image-ci ne peut pas être à côté de cette image-là et si celle-là bouge, celle-ci doit bouger aussi. Tu ne t’expliques pas ces décisions, mais il n’y a pas à discuter, ces lignes, ces plans, ces couleurs, ces motifs sont à équilibrer. Derrière tout ça, il y a peut-être des milliers d’années ; deux hémisphères, deux mains, deux yeux, deux pieds ; et aussi un apprentissage, un métier ; un long temps à exercer, à aiguiser… C’est plus fort que lui, l’être humain, artiste de surcroît, ne peut s’empêcher de composer.
Qui pourra se retenir d’essayer de regarder les photos dans le bon sens, de chercher à les relier et à les faire parler ? Mais le tracé est dans le temps, dans l’idée, les traces sont des preuves éclatées. Unis par une même lumière, les fragments ajustés ne reconstituent qu’un moment de plein jour dans une journée ensoleillée.
Au milieu de tant d’histoires possibles, chacun peut projeter son ombre.
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